John Keats
À l’Automne (1819)
Saison de brumes et de suave abondance !
Du soleil mûrisseur intime confidente
Conspirant avec lui pour peupler de foisons
De fruits les vignes entourant le chaume ;
Pour alourdir de pommes l’arbre moussu du clos
Et faire que chaque fruit soit mûr jusqu’au noyau ;
Pour gonfler la courge, emplir de douces graines
Les coques de noisettes ; pour que bourgeonne encore
Et encore des fleurs tardives pour les abeilles
Si bien qu’elles croient à des jours chauds sans fin,
Car l’été a fait déborder leurs moites alvéoles.
Qui ne t’a vu souvent parmi ta récolte ?
Parfois, celui qui part à ta recherche
Peut te trouver assis dans un grenier, indolent,
Les cheveux doucement vannés par le vent ;
Ou dormant sur un sillon à demi-moissonné,
Alangui par les vapeurs du pavot, tandis que ta faux
Épargne la prochaine bande aux fleurs mêlées :
Et parfois, tel un glaneur, tu surplombes
Un ruisseau de ta lourde tête immobile ;
Ou près d’une presse à cidre, d’un œil patient,
Tu regardes couler les dernières gouttes, heure par heure.
Où sont les chansons du printemps ? Oui, où sont-elles ?
Peu t’importe, tu as ta propre musique,
Lorsque, le jour mourant, les nuages striés
Touchent d’un éclat rose les tiges des champs ;
Alors, les moucherons en deuil se lamentent
Parmi les saules de la rivière, s’élevant
Ou sombrant selon que souffle ou meurt la brise ;
Les agneaux déjà grands bêlent dans le vallon ;
Les grillons chantent, et les notes aigues
D’un rouge-gorge montent d’un jardin clos ;
Et des hirondelles en bande pépient dans les cieux.